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13 décembre 2014 - 13 janvier 2015 - no46

L'agenda du mois

Paris en 2156 / Exposition et bande dessinée

Entre le projet du Grand Paris et celui de (feu) la tour Triangle, architecture et urbanisme sont au cœur de pas mal de discussions parisiennes en ce moment. La toute récente étude sur la pollution de l’air de la capitale nous donne, elle, des envies d’ailleurs, ou de mieux ici. Et pourquoi pas, de se laisser emporter par deux utopistes, François Schuiten et Benoît Peeters, qui rêvent sur papier glacé le Paris d’après après-demain.

En 2156, une jeune fille vit dans une colonie spatiale et rêve d’un Paris dont elle ne connaît rien si ce n’est ce qu’elle en a lu et entendu. Elle est désignée chef de bord pour une expédition vers la Terre et le spectateur-lecteur la suit dans ses rêveries où un Paris fantasmé tient lieu de décor.

Après les douze albums qui composent la série de bande dessinées Les Cités Obscures, François Schuiten et Benoît Peeters s’associent à nouveau mais pour beaucoup plus que quelques dizaines de planches cette fois : une exposition à la Cité de l’architecture et du patrimoine, un catalogue (de l’exposition) très complet et la publication d’une sélection de dessins de François Schuiten.

Si la bande dessinée nous a un peu laissé sur notre faim, l’exposition et par extension le catalogue de celle-ci sont, eux, à ne pas rater. La scénographie est travaillée et les thématiques universelles pour tout Parisien qui rêve sa ville. Les auteurs et commissaires de l’exposition ont dégoté de véritables bijoux d’archives (gravures, plans d’architectes, projets utopiques et jamais réalisés, etc.) toutes reproduites dans le catalogue. Il y a du Jules Verne dans tout cela.

Et là où la bande dessinée a pu nous décevoir par son manque de vues d’ensembles futuristes, privilégiant les plans serrés sur des visages à la rêverie architecturale, l’exposition rattrape le tout avec la présentation des planches originales du dessinateur. Mêlant vraies transformations de la ville, projets inaboutis et utopies jamais réalisées, l’exposition est aussi l’occasion de connaître l’avis de huit « spécialistes » de l’avenir de la capitale comme les architectes Jean Nouvel ou Odile Decq ou le philosophe de la ville, Philippe Simay. Une œuvre à saisir dans son ensemble donc.

François Schuiten et Benoît Peeters, Revoir Paris, Casterman, 2014, 15€.

François Schuiten, Des Cités Obscures à la Ville Lumière, 9,90€.François Schuiten et Benoît Peeters, Revoir Paris, l’exposition, catalogue, 28€.

Exposition Revoir Paris, jusqu’au 9 mars 2015 à la Cité de l’architecture et du patrimoine, 1 place du Trocadéro et du 11 Novembre dans le 16e. De 3 à 5€.


IMAGES SONORES / Art contemporain

« Exister c'est être là simplement... Tout est gratuit, ce jardin, cette ville et moi-même. Quand il arrive qu'on s'en rende compte, ça vous tourne le cœur et tout se met à flotter », écrit Jean-Paul Sartre dans La Nausée. Si l'on ne voit pas passer le roman dans l'amoncellement de livres ballottés sous la caméra de Tania Mouraud, on pense inévitablement à l'auteur existentialiste en regardant « Ad Nauseam ». Sous nos yeux, trois écrans collés sur un même long mur montrent des pinces traînant leurs paquets de livres sans ménagement, ou bien vomissant d'un coup leur butin - romans, essais, livres d'art ou pour enfants - sur un tapis roulant. Coupes et gros plans forment un tourbillon d'images, dont certaines reviennent et se succèdent à nouveau dans des ordres différents.

L'installation produit un double effet. Il y a d'abord le choc. La taille des écrans et l'ampleur du son font ressentir directement la puissance des machines en marche. Et puis vient l'expérience sonore et visuelle. Loin de s'estomper, la tension ne cesse de monter. Car la bande son, réalisée avec l’Institut de Recherche et coordination acoustique/musique, n'est pas seulement l'enregistrement du bruit de l'usine. C'est une vraie musique, dont la mélodie s'installe peu à peu, tourne de haut-parleur en haut-parleur, jusqu'à happer le visiteur autant que la vision des livres indéfiniment brassés. « C'est un peu comme un corps humain : on a l'impression qu'il est d'un bloc, mais en regardant plus attentivement, on s'aperçoit que tout y est toujours en mouvement », explique Tania Mouraud dans le catalogue de l'exposition.

Si aucun corps n'apparaît, l'humanité est quant à elle bien présente. Devant ce systématisme de la destruction, on ne peut s'empêcher de personnifier les livres. L'artiste, née en 1942, reconnaît qu'Auschwitz ou les bûchers de l'Inquisition sont un arrière-plan, mais elle évoque plus généralement la destruction du vivant. Une triste réalité que l'on retrouve en écho dans ses « écritures », panneaux à la typographie serrée qui disent à qui veut bien les lire « CQNPSRLPSCALR » (Ceux qui ne peuvent se rappeler le passé sont condamnés à le répéter), ou « MPP ».

Tania Mouraud, « Ad Nauseam », jusqu'au 25 janvier au Mac/Val, le musée d’art contemporain du Val-de-Marne, place de la Libération à Vitry-sur-Seine. À 10 minutes de la porte de Choisy via le bus 183, arrêt Mac/Val.  Du mardi au vendredi de 10h à 18h. Les week-end et jours fériés de 12h à 19h (fermé le 25 décembre et le 1er janvier). Visites guidées gratuites le mercredi et le week-end l’après-midi (les audioguides aussi sont gratuits). Renseignements au 01.55.53.22.26. De 2,50€ à 5€.


Souvenirs de famille / Théâtre jeunesse : Létée

L’histoire de Létée, c’est celle d’une petite fille qui cherche à disparaître au sein de sa propre famille. Mais lorsqu’elle réapparait, sa grand-mère, son frère et son père ne la reconnaissent pas, même si elle leur fait revivre des souvenirs communs. Sur scène, pour exprimer cette étrange distance, une comédienne dialogue avec les voix off et les images, en noir et blanc, projetées dans son dos, des membres de cette famille. Ils sont comme ses fantômes. Jusqu’à la fin de la pièce l’ambiguïté persiste : ses souvenirs sont-ils le fruit de son imagination, ou ont-ils été réellement vécus ? Chacun se fait sa propre idée. Si les thèmes abordés par le spectacle touchent à la séparation, la place de l’enfant dans la famille, l’amour des parents, ou la mort, il n’est ni sombre, ni triste. Joué une vingtaine de fois devant un public d’enfants et adolescents, il ne cesse d’interroger et de surprendre des jeunes spectateurs qu’on ne prend, ici, vraiment pas pour des idiots.

Létée, jusqu’au 21 décembre au théâtre Dunois, 7 rue Louise Weiss. Les mercredis à 15h, samedis à 18h et dimanches à 16h. Renseignements et réservations au 01.45.84.72.00. De 6,50 à 16€. Spectacle conseillé à partir de 8 ans.


 

Femme à bout de souffle / Photographies

La vie d’Alix Cléo Roubaud aura été aussi fugace que son ��uvre. Pendant trois ans, jusqu’à son décès en 1983, elle a photographié presque maladivement tout ce qui se trouvait autour d’elle. Autoportraits, chambres, autoportraits… il émane de ses clichés une réflexion sur la représentation de soi, la relation du producteur à son objet, mais surtout une anxiété palpable. Celle de la mort ? Peut-être. Tirages uniques, en noir et blanc, parfois plus blanc que noir parfois plus noir que blanc, la photographe détruisait chaque négatif après l’avoir développé ! La BnF propose la première rétrospective de cette femme donc les talents photographiques étaient jusqu’alors encore peu connus. Les initiés avaient peut-être eu vent de son journal intime, publié posthume par son mari. De manière générale, les photographies sont belles. Mais pour autant, l’exposition nous a laissé dans une sorte d’entre deux : personnage pas assez connu pour que sa vie privée satisfasse notre part de voyeurisme, et, un brin prétentieux pour que ce discours sur l’intimité soit universalisé. « Quinze minutes la nuit au rythme de la respiration », ne nous a pas coupé le souffle.

Alix Cléo Roubaud, Photographies. « Quinze minutes la nuit au rythme de la respiration », jusqu’au 1e février dans la Galerie 1 de la BnF, Quai François-Mauriac. Du mardi au samedi de 10h à 19h, les dimanches de 13h à 19h. De 7 à 9€.

Publié par Rebecca Khananié, Pascaline Vallée , Marie Sahakian  le 09 Décembre 2014

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