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À la maison Cœur de femmes / Vies à reconstruire

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C’est une porte anonyme qui ne laisse rien deviner de ce qu’elle renferme. « Cœur de femmes » est ce qu’on appelle un centre de stabilisation, un endroit pour se poser, se reposer, retrouver des forces. Un abri sans hommes. En avril 2012, date de notre rencontre, elles étaient vingt-cinq, âgées de 20 à 64 ans, et chacune portait en elle quelque chose de douloureux. Un vendredi midi, lors d’un repas auquel nous étions conviés, nous nous rencontrions pour la première fois. Certaines étaient lointaines, dans leurs pensées. D’autres discutaient. Les animatrices étaient là aussi, tout sourire. C’était calme et animé à la fois. « Peu parlent d’elles facilement », avait prévenu Angélique Bérengé, la responsable de la maison. Nous étions venus avec un projet : photographier des vies, dessiner des parcours, écouter des silences, instaurer une confiance. Au moment du café, l’attention dans l’auditoire. Nous mènerions des entretiens individuels, nous écririons leurs témoignages sur l’avant Cœur de femmes, le pendant, mais aussi l’après. L’espoir. Plusieurs mains se sont levées sans hésitation. Elles ont inscrit leur nom sur une feuille de papier. Six femmes se sont racontées.

Anne (ce n’est pas son prénom), 41 ans, avait connu la prison pour ne pas avoir réagi, terrorisée, aux actes de pédophilie de son mari sur leurs enfants. Au moment où nous l’avons rencontrée, elle espérait sortir de la maison et vivre avec son nouvel amoureux. Pénélope, 21 ans, était en rupture familiale. Un billet a pu lui être acheté pour qu’elle puisse rejoindre ses grands-parents à La Réunion, mais elle a du revenir rapidement car ces derniers n’étaient pas prêts à l’accueillir. Sandra, journaliste en danger, a du fuir la République démocratique du Congo. Au terme de plusieurs années, elle a enfin été régularisée et, on l’espère, pu retrouver son petit garçon laissé sur place. Lucia, Brésilienne de 59 ans de bonne famille, ne comprenait pas comment elle avait pu se retrouver à Cœur de femmes. Cette « accidentée de la vie » qui cachait sa situation à sa famille, n’y trouvait pas sa place et trépignait de retrouver sa vie d’avant. Blandine, 50 ans, se sentait moins « en urgence », moins « abîmée » que lors de son arrivée plus d’un an avant. Mais, fragile, elle le sera toujours. Comme il faut bien sauter le pas et avancer, elle s’imaginait dans une petite maison avec son fils, un compagnon et un chat. Enfin, Dominique-Marie nous avait conduits sur un banc des Olympiades pour regarder les gens passer. Elle, écoutait surtout, car elle a perdu la vue. Elle avait raconté ses chutes dans la vie et ses rechutes dans la dépression. Les pétages de plombs, le désespoir et la beauté des jours tranquilles.

 

La suite de cet article est à retrouver dans Le 13 du Mois #57


L'article original a été publié dans le 13 du Mois n°29 en mai 2013


 


 

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Publié par VirginieTauzin  le 14 Décembre 2015
 
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