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13e Œil | À la rencontre d’artisans d’art Vol.2

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Les frères Phuong
Maîtres encadreurs

Ils ont la confiance absolue des artistes contemporains les plus reconnus, mais aussi des musées, des galeristes et des collectionneurs. Les quatre frères Phuong ont basé leur atelier d’encadrement d’œuvres d’art à Ivry d’où ils encadrent plus de 200 œuvres par mois.

 

 

 

 


Deux immenses tirages de Malick Sidibé sont allongés sur une table. Dans quelques jours, ils seront exposés, encadrés, à La Maison rouge, fondation pour l’art contemporain dans le 12e. « Sidibé, c’est “L’œil de Bamako“, l’un des plus grands », lance l’averti Éric Phuong. Aux murs de l’atelier d’Ivry, on reconnaît les visages enfantins de C215, la figuration colorée de Robert Combas, la géométrie de Geneviève Claisse, leur marraine depuis les débuts. De grands artistes, que les frères Phuong tutoient, à force de chouchouter leur travail. Éric, Dan, Alexandre et Anthony Phuong, dont les parents sont arrivés du Vietnam à la fin des années 70, encadrent des œuvres d’art. La quasi totalité de leur tâche est effectuée pour des professionnels, artistes, musées, galeristes, marchands d’art, institutions. Du sur mesure, fabriqué et peint à même l’atelier. C’est bien simple : depuis vingt-sept ans, ces quatre artisans sont considérés comme les meilleurs sur la place de Paris. Chaque mois, ils répondent à près de 200 commandes.

 

Imaginez une tache sur un Keith Harring...

Ces frères-là n’ont rien de businessmen : l’art n’est pas un produit comme les autres. Quand ils ont démarré, ils se sont jurés de traiter toutes les œuvres avec le même respect, sans distinction de valeur. « Même quand l’artiste est inconnu, la création est potentiellement exceptionnelle, on ne sait pas, dit Alexandre Phuong, qui dirige l’atelier. Et si elle est juste sentimentale ça ne change rien, on ne se permet pas de jugement de valeur, ce n’est pas notre rôle. » La première fois que Christian Guémy-C215 a poussé la porte de l’atelier de la rue Victor-Hugo, il aurait demandé : « Je prépare ma première exposition, c’est important, mais je n’ai pas les sous, comment je peux faire ? » Alexandre assure qu’ils se sont arrangés. « Ce qui compte, c’est la réputation qu’on se fait avec le sérieux, le travail. C’est comme cela qu’on s’est fait connaître. Le bouche-à-oreille, c’est cent fois mieux que d’aller de galerie en galerie pour se présenter. » Traiter l’œuvre comme le bébé de l’artiste, son bijou, respecter le délai pour qu’il ne rate pas sa vente, là est leur secret. Imaginez un accroc, une tache sur un Keith Harring à 500 000 euros... « On ne peut pas faire la moindre erreur », confirme Alexandre. La veille, il a encadré un Tom Wesselmann d’une valeur de cinq millions d’euros. « J’ai tout fait directement chez le client, un grand collectionneur. Pour un tableau de cette valeur-là, je ne voulais pas prendre le risque de le transporter. » La plupart des créations sont toutefois assurées, au cas où...

 

« Rien de tape-à-l’œil »

Leur art à eux est de se mettre en retrait : le cadre ne doit pas éclipser l’œuvre, ni même attirer l’attention. On en verra surtout des unis, noirs, blancs ou couleur chêne, discrets mais brillants. Les rares qui demandent un peu de fantaisie sont des particuliers, mais les frères Phuong savent le pouvoir de nuisance de la couleur. « Rien de tape-à-l’œil », assène Alexandre Phuong. Pour le Philippe Pasqua qui patiente en réserve, immense tableau d’un visage en gros plan, précis et pâle, destiné à une exposition au musée de Monaco, ce sera cadre blanc et plexiglass. « On accompagne les artistes, on discute, on essaie de comprendre le rendu auquel ils aimeraient arriver. Parfois ils savent précisément ce qu’ils veulent, d’autres fois ils s’en remettent à nous, précise-t-il. On donne aussi des conseils aux jeunes. Ce n’est pas facile pour eux qui ne gagnent pas leur vie, alors peut-être que notre regard peut les rassurer. » C’est que les quatre frères peuvent, à force de baigner dedans, délivrer une expertise en un clin d’œil. « Au début, on se contentait de faire le boulot technique, et de le faire bien. Maintenant qu’on a tissé des liens avec les artistes, et surtout qu’on connaît le métier sur le bout des doigts, on a aussi un regard », dit Alexandre.

 

[...] La suite de cet article est à retrouver dans Le 13 du Mois

 

 

 

 

 

Publié par Virginie Tauzin  le 09 Novembre 2015
 
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