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CULTURE | Entretien avec Élisabeth Chailloux et Adel Hakim, directeurs du théâtre des Quartiers d’Ivry

 

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« Nous tendons vers un appauvrissement de la pensée et de la culture »

En juin dernier, après douze ans de préfiguration, le théâtre des quartiers d’Ivry est devenu le Centre dramatique national du Val-de-Marne. Le seul de la banlieue sud de Paris. Aujourd’hui dispersé sur trois lieux, le CDN intègrera sa nouvelle maison à la Manufacture des œillets à la fin de l’année 2016. À la tête du théâtre depuis 1992, les metteurs en scène Élisabeth Chailloux et Adel Hakim défendent une saison engagée où les textes de Marivaux, Tchekhov et Molière côtoient ceux d’auteurs contemporains comme Leslie Kaplan, Emmanuel Carrère ou d’auteurs palestiniens, chiliens et uruguayens. Sereins quant à la poursuite de leur projet artistique, dont l’une des spécificités est de promouvoir la pratique théâtrale des amateurs, ils manifestent une inquiétude concernant l’avenir du spectacle vivant et plus largement de la culture en France. Les deux artistes dénoncent le désengagement de l’État et l’incurie des politiques sur le sujet.

 

Le 13 du Mois : Qu’est-ce que cela représente pour vous de devenir Centre dramatique national (CDN) après toutes ces années ? Est-ce une forme de consécration ?


Adel Hakim : Pour Élisabeth et pour moi, il s’agit surtout du développement d’un projet culturel. Sur le plan politique et territorial, avoir un CDN dans le sud de Paris, alors qu’il n’y en a pour l’instant que dans le nord de Paris, est une chose importante parce que ça développe la relation de proximité avec les publics. Les missions que nous avions en tant que compagnie [la compagnie du théâtre des Quartiers d’Ivry a été créée par Antoine Vitez en 1972, ndlr], n’étaient pas du tout les mêmes. Nous n’avions qu’une mission d’artistes, de metteurs en scène. Lorsque l’on devient directeurs d’un centre national, on a des responsabilités d’action culturelle, de partage de l’outil, de partage des moyens de production avec d’autres artistes, d’autres compagnies et c’est aussi cela que nous avons voulu défendre en prenant en charge ce projet depuis quinze ans.

 

Élisabeth Chailloux : Un centre dramatique national a une spécificité, c’est un label dont la direction est assurée par des artistes, metteurs en scène, auteurs... Tous les autres labels comme les scènes nationales ou les théâtres de ville sont dirigés par des administrateurs, des programmateurs, des directeurs.

 

Comment combinez-vous vos deux fonctions de metteurs en scène et de directeurs de théâtre ?

E.C. : Il y a plus d’une trentaine de CDN dirigés par des artistes. Cette spécificité signifie que chaque CDN est le reflet de la sensibilité artistique de son directeur. Quand nous accueillons d’autres artistes que nous aimons, que nous admirons, ce sont des affinités électives. Par exemple, nous sommes très attachés à programmer des textes, des auteurs qui parlent de la diversité. Nous sommes également extrêmement attentifs à équilibrer les artistes hommes et les artistes femmes. Contrairement à ce qu’on pense, l’art n’est pas le lieu de l’égalité ! Quoiqu’il en soit, le ou la metteur(se) en scène programmé(e) sera toujours en affinité avec notre travail.

 

D’où est venue cette spécificité d’Ivry de se tourner vers l’international, avec ce que vous appelez le théâtre des quartiers du monde ?


A.H. : J’ai commencé à travailler en Amérique latine à partir de 1997. C’est toujours très intéressant de trouver les méthodes de travail, la façon d’exister du théâtre dans d’autres pays, [en comparaison avec] un pays, comme la France, dans lequel on a quand même énormément de privilèges sur le plan culturel, où il y a beaucoup de moyens. Donc, aller dans des pays où faire du théâtre est vraiment une action vitale pour les artistes, amène une autre forme d’énergie, une autre forme stylistique aussi.

 

E.C. : Il ne s’agit pas seulement de programmation avec le théâtre des quartiers du monde. Adel part pendant deux mois pour créer un spectacle avec des acteurs chiliens, uruguayens, palestiniens… Une fois que le spectacle est créé, on peut le faire venir à Ivry.

 

A.H. : Bien sûr, le fait d’être CDN en préfiguration à partir de 2003 a donné aussi des moyens pour développer tout cet axe de notre activité.

 

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Publié par Mathilde Azerot  le 03 Septembre 2015
 
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