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DOSSIER | Le 13e, capitale du street art

 

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Pour beaucoup, c’est le mouvement culturel du 21e siècle. Toujours plus populaire, ultra-branché et très médiatisé depuis le milieu des années 2000, le street art explose. Le 13e arrondissement en a même fait sa carte de visite et une composante importante de son identité culturelle.

Dans la rue, les musées, les festivals, les galeries et les salles des ventes, dans la publicité et la communication, il s’invite et s’impose partout. En 2009, l’exposition « TAG au Grand Palais » présente sous sa vénérable verrière plus de 300 œuvres réalisées par quelque 150 artistes graffeurs. L’événement marque la démocratisation d’un mouvement longtemps resté confidentiel. Début octobre de cette année, le street art était au cœur de la programmation de la Nuit Blanche. Cet automne encore, il s’expose à la Fondation EDF (jusqu’au 1er mars 2015) ou à la Maison des arts de Créteil, dans le Val-de-Marne (jusqu’au 13 décembre).

 

Un peu partout dans le monde, artistes et passionnés photographient les œuvres et partagent leurs images sur les réseaux sociaux, blogs ou sites spécialisés. Véritable prolongement de la rue, Internet contribue d’ailleurs largement au développement du mouvement. Au 13 du Mois, lorsque nous publions un simple cliché de ce type sur les réseaux sociaux, les compteurs s’affolent.

 

Au cœur de cette vaste toile, Paris devient un rendez-vous incontournable du street art. Aucune ville ne compte plus de galeries spécialisées – une quinzaine intramuros. La capitale palpite au rythme des interventions urbaines, des expos et autres ventes aux enchères. Dans les années 60 déjà, les pionniers de l’art urbain à la française, comme Ernest Pignon-Ernest (voir page 27) ou Gérard Zlotykamien, s’appropriaient la ville avec leurs peintures apposées sur les murs. Graffeurs, pochoiristes ou plasticiens, photographes, inventeurs, avant-gardistes, renommés, amateurs ou débutants, Français ou étrangers : cinquante ans plus tard, Paris grouille de street-artistes et tient la dragée haute aux grandes métropoles internationales.

 

LE TANDEM COUMET-ITINERRANCE

Si l’art urbain s’est plutôt développé dans l’est de la capitale, en particulier dans les plus populaires 11e et 20e arrondissements, seul le 13e en a fait sa carte de visite officielle. Pilier intramuros de ce « triangle d’or » du street art qui compte aussi les communes Val-de-Marnaises d’Ivry et de Vitry-sur-Seine (voir page 37), l’arrondissement s’impose désormais comme un point ultra chaud du mouvement.

 

À l’origine de cette dynamique artistique : le tandem Jérôme Coumet-Mehdi Ben Cheikh. Lorsqu’en 2004, ce dernier décide d’ouvrir sa galerie de street art, Itinerrance, rue René Goscinny, il n’y a rien – ou presque – aux alentours. Dans cette ancienne zone industrielle, désenclavée depuis l’ouverture en 1998 de la ligne 14 du métro, le secteur Paris Rive Gauche sort tout juste de terre. « Il y avait seulement deux bâtiments dans le quartier, dont celui où est installée la galerie, se souvient Mehdi Ben Cheikh. Et autour, des trous et des immeubles en projet ou en construction. » Qu’importe, le jeune prof d’arts plastiques veut s’installer dans le sud de Paris, qu’il connaît bien. « J’ai préféré me retirer un peu mais avoir de l’espace. Je voulais surtout un beau volume, un lieu où créer de grandes expos. Pas 20 m² sur Saint-Germain. »

La rencontre avec Jérôme Coumet, devenu maire du 13e en 2007 et passionné d’art contemporain, marque le début d’une ère florissante pour la galerie Itinerrance et son directeur. Plein d’ambitions, Mehdi Ben Cheikh bouillonne d’idées pour l’arrondissement. Il voudrait réitérer l’expérience de Montry, en Seine-et-Marne, où une trentaine d’artistes sont venus, à sa demande, peindre sur les murs du village.

 

Jérôme Coumet se laisse rapidement convaincre : il voit dans les projets du jeune galeriste l’opportunité de donner au 13e une part de sa nouvelle identité. « Le street art permet de faire entrer l’art dans la ville, de s’adresser directement aux habitants. J’ai trouvé là tout ce que j’attendais : faire venir à l’art des gens qui n’y seraient pas forcément venus naturellement », s’enthousiasme l’édile. En octobre 2010, l’artiste polonais M-City réalise ainsi, boulevard de l’Hôpital, la première fresque monumentale du 13e. Quatre ans plus tard, on compte près d’une vingtaine de murs peints dans l’arrondissement. Et le phénomène n’est pas près de s’arrêter.

 

La plupart de ces fresques XXL ont été réalisés en collaboration avec des bailleurs sociaux, nombreux dans le 13e. Car la spécificité architecturale de l’arrondissement facilite largement la mise en œuvre du projet : le 13e compte assez peu d’immeubles haussmanniens, mais beaucoup de bâtiments des années 60 à nos jours, propices au muralisme. « Grâce à ses bâtiments HLM, le 13e devient la meilleure toile de Paris pour les fresques », résume Mehdi Ben Cheikh. Bénis soient donc les HLM !

 

UN ART MAL PERÇU AU DÉBUT

L’arrondissement bénéficiait déjà d’un riche terreau artistique – avec, pour ne citer qu’eux, les Frigos, cet ancien entrepôt qui abrite plusieurs dizaines d’ateliers d’artisans et d’artistes depuis trente ans. « Il ne faut pas réduire le street art dans le 13e à Jérôme Coumet et Itinerrance, tempère Benoît Maître, fondateur du Lavo//Matik, un espace dédié aux arts urbains et implanté depuis peu le long du tram, en bordure du « nouveau » 13e. Ils sont des acteurs importants, qui font beaucoup pour le street art, mais il existe aussi une base d’artistes qui n’a rien à voir avec eux. » Précision importante s’il en est.

 

Dans les années 80, la Butte-aux-Cailles devient, par exemple, l’un des terrains de jeu favoris de Miss.Tic (voir page 25). L’artiste plasticienne et poétesse jette sur les murs, en utilisant le pochoir à la bombe, ses silhouettes féminines et ses calembours. À l’époque, Paris toute entière se couvre de pochoirs. Les street-artistes n’en sont pas moins marginalisés et incompris : leur pratique reste illégale et est souvent mal perçue par le grand public. Avec l’explosion du mouvement dans les années 2000, ils accèdent peu à peu à une pratique légale et reconnue de leur art.

 

Depuis 2001, l’association des Lézarts de la Bièvre propose ainsi de rencontrer les artistes du sud-est de Paris en suivant le tracé de la rivière enfouie, qui traverse les 13e et 5e arrondissements. Chaque année, un street-artiste est invité à baliser les parcours artistiques menant aux ateliers, en toute légalité. De Jérôme Mesnager à Speedy Graphito, en passant par Jef Aérosol, Némo, Seth (voir page 26) ou Jace cette année, les plus grands noms français de l’art urbain ont prêté leur univers pour guider les visiteurs et autant d’œuvres éphémères ont surgi sur les murs et le mobilier urbain du quartier.

 

SI C’EST DANS LA RUE, C’EST GRATUIT

 

Parce qu’il s’expose dans l’espace public, l’art urbain se doit de rester gratuit. Ainsi, les artistes ne sont pas rémunérés pour leurs interventions sur les murs du 13e. Ce n’est d’ailleurs pas forcément du goût de tous les artistes que nous avons rencontrés. L’accompagnement logistique, à savoir la nacelle et la peinture, peut en revanche coûter de 2 000 à 4 000 euros. L’essentiel est alors pris en charge par une association subventionnée par la Ville de Paris et la région Ile-de-France, et parfois par le bailleur ou le propriétaire de l’immeuble. Aussi étonnant que cela puisse paraitre, le concept, c’est le système D. Profiter au maximum des opportunités pour réduire les dépenses, comme la venue d’un artiste à Paris pour un évènement privé et/ou une nacelle déjà en place pour la réfection d’un mur à proximité… « Pour continuer tout en restant libre, il ne faut pas qu’on soit tributaires de subventions trop importantes, argumente Jérôme Coumet. En contrepartie, on doit s’adapter aux opportunités, aux artistes. Ça demande surtout du temps et de l’investissement. »

 

« Tout le monde est gagnant, renchérit Mehdi Ben Cheikh. Ça donne à l’artiste une visibilité hors du commun. L’arrondissement profite de la communication faite autour de l’événement et la galerie aussi. Pour que ça fonctionne, il faut mettre une limite réelle entre la rue et la galerie comme espace commercial. Dans la rue, personne ne gagne d’argent. » Côté com’ justement, certains habitants et associatifs du 13e trouvent que la Mairie en fait parfois un peu trop. Pire, certains propriétaires s’inquiètent de voir leur appartement perdre de la valeur suite à la réalisation d’une fresque…

 

[...] La suite du dossier est �� retrouver dans le 13 du Mois # 45

 

Publié par Anne Royer & Laurence Gonthier  le 12 Novembre 2014
 

Commentaires  

 
0 #2 Lhermitte 16-11-2014 11:11
Cette fresque au 58 rue des Grands Moulins imposée aux propriétaires est un vrai scandale. M. Courmet nous impose SA culture, SES artistes. Qui plus est, il n'ont même pas eu la décence de protéger le sol et les murs alentours, rendant NOTRE propriété dégueulasse. Et il aurait en plus encenser un travail psychédéliques où une fille qui a pris des champignons hallucinogènes est poursuivi par la bête d'Alien. Une fresque ou le rouge foncé et le marron moche se mélangent. Etaient-ils clean quand il l'ont fait ? La loi s'impose à tous et tout particulièremen t à ce ces élites municipales qui se croient au dessus de tout !
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0 #1 Barns 13-11-2014 13:13
Bonjour,
Benoit Maitre est bien placé pour préciser qu'il ne faut pas réduire le street art dans le 13e à Jérôme Coumet et Itinerrance. Il s'est pourtant réfugié derrière l'autorisation de Jérôme COUMET pour la réalisation sauvage d'une fresque au 58, rue des Grands Moulins, sur le mur d'une copropriété dont on s'est bien passé de demander l'autorisation. Je précise que Lavo//Matik chapeauté la réalisation de cette fresque. Lorsque j'ai rencontré Benoit MAITRE le 31 octobre à ce sujet il m'a tout de suite fait lire le courrier de Jérôme COUMET, m'expliquant que seul ce courrier justifiait la réalisation d'une fresque sans autorisation des copropriétaires ......
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