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Portrait de l'avenue des Gobelins

 

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Une rue parle, pourvu qu’on l’écoute. Nous avons partagé le quotidien de l’une d’entre elles, humé son pavé ordinaire rendu glissant par les gouttes du premier mois d’été. Nous y avons croisé ceux qui y vivent ou y travaillent comme ceux qui ne font qu’y passer. Nous avons écouté leurs histoires, celles qui font la rue. Elle se raconte en 800 mètres, 77 numéros, deux arrondissements et une myriade de personnages. C’est une avenue, plus précisément, l’avenue des Gobelins.

Rien ne bouge ou presque, alors c’est… maintenant ! Il faut profiter du temps mort, des voitures qui n’avancent pas, tourner le dos à la place d’Italie et s’arrêter au milieu du passage piéton, vite. Voilà. L’avenue apparaît, dégagée, rectiligne et symétrique, avec ses rangées d’arbres et sa descente, direction la montagne Sainte-Geneviève. Le Panthéon y culmine à environ 50 mètres au-dessus de nos têtes. C’est au pied de cette butte que s’achève l’avenue des Gobelins et que débute le 5e arrondissement. Une fois ce terme atteint, les anonymes seront devenus des personnages, et l’avenue un peu plus familière.

Feu ! Il faut rejoindre le trottoir, n’importe lequel. À 16 heures un mardi, la circulation n’est pas dense. Le risque d’éclaboussure, en revanche, est grand : une demi-heure plus tôt la pluie se déchaînait encore. Parvenu au bout du dénivelé et, semble-t-il, de lui-même, un homme trempé, enfoncé dans la selle de son Vélib’ fusille du regard tous ceux qui osent remarquer son état. Quant à celui qui s’est trop attardé sur le passage, qu’il soit ou non en train de contempler la vue, se voit carillonné sans ménagement.

« Les Champs-Élysées du 13e »

Trottoir de gauche. Après deux enseignes de pompes funèbres aux vitrines épurées, celle, surchargée, de M. Vu-Dinh fait contraste. Son nom est scotché sur la vitre, sur des articles de presse, parmi les nombreuses étiquettes du label « Paris pas cher ». Célèbre dans la capitale, cette minuscule boutique collectionne les superlatifs. C’est un spécialiste de la photo, réparateur et vendeur en matériel d’occasion. Cette fameuse vitrine, elle, expose un mur d’objectifs posés les uns sur les autres, deux mètres sur trois qui ne laissent rien entrevoir de l’intérieur, si bien qu’on pourrait en déduire qu’ils servent finalement plus à cacher qu’à attirer l’œil. Et pourtant, il n’est pas rare d’en voir qui s’arrêtent, interloqués, forcément interloqués. M. Vu-Dinh sort de la boutique dès que quelqu’un approche. Pas pour éloigner, mais pour renseigner. « Si je fais entrer les gens, on peut me voler. Comment je fais, moi, pour courir après ? » Alors, été comme hiver, il reçoit sur le trottoir. C’est à peine s’il y a assez de place pour deux à l’intérieur de toute façon : « Si le client est d’accord sur le prix, alors je vais lui chercher ce qu’il veut. » M. Vu-Dinh, bien que de petite taille, en impose avec son ton autoritaire, sa barbe clairsemée, son béret noir et ses grandes lunettes à montures dorées. Il faut bien ça, pour dissuader les escrocs. Depuis 35 ans qu’il tient boutique sur « les Champs-Élysées du 13e », comme il dit, il a connu quelques mésaventures. Parmi elles, une histoire d’hommes de main de Kadhafi, de chemises du Printemps, d’Institut du monde arabe et de mallettes mystérieuses... Rien de tout cela n’est très clair mais quelque chose nous dit que M. Vu-Dinh est tout à fait homme à se fourrer malgré lui dans des situations impossibles.

[...]Lire la suite dans Le 13 du Mois #20


Publié par Virginie Tauzin  le 12 Juillet 2012
 

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